Fascinants lichens

Longtemps méprisés, les lichens étaient tenus pour une peste, voire un « excrément de la terre ». Certains continuent d’ailleurs à croire qu’il faudrait les éliminer des troncs pour la santé des arbres. Seule l’esthétique peut justifier de les brosser d’une écorce décorative. Mais eux-mêmes ne sont-ils pas splendides : vus de près, quels paysages fantastiques !

Ce ne sont pourtant pas des parasites : ils ne pénètrent pas le support sur lequel ils s’installent, ni ne lui ponctionnent le moindre nutriment, à la différence du gui ! Il suffit de voir les lichens coloniser ferrailles ou rochers pour s’en convaincre…

Longtemps aussi, on les a confondus avec les algues : c’était encore le cas de Linné au XVIIIe siècle. Les lichens sont en fait la symbiose parfaite entre un champignon et une algue. L’algue se développe dans l’intérieur du lichen, le champignon l’enrobe et chacun apporte à la communauté selon sa nature : l’algue produit du glucose et le champignon apporte eau, sels minéraux et protection contre l’extérieur. Le champignon, qui fixe le lichen sur son support et assure sa reproduction, semble bien être dominant dans l’association.

Depuis peu, la génétique a permis d’identifier un troisième larron en surface de l’ensemble : des levures* ! [* Voir en commentaire]

Les lichens sont présents dans tous les milieux. Mieux encore, ils sont la première forme de vie qui colonise les zones les plus ingrates, formant peu à peu le sol sur lequel pourront s’installer plus tard mousses et plantes.

On regroupe les lichens en trois principales catégories : crustacés (en croûte étroitement fixée au support), foliacés (présentant une apparence de feuilles plus ou moins plaquées au support) et fruticuleux (formant comme un buisson miniature fixé au support par un point unique). Et une grande diversité de couleurs, de formes, d’organes de reproduction.

Lichens crustacés
Lichens foliacés et fruticuleux

Sans compter que l’apparence du lichen varie aussi fortement en fonction de son âge, de son exposition à la lumière ou à l’humidité.

Ce lichen jaune d’or en plein soleil prend une teinte verdâtre à l’ombre

Il existe en Europe plusieurs milliers de lichens, dont la détermination est, aux yeux du profane que je suis, très complexe ; il y faut souvent la loupe binoculaire ou le microscope. A défaut, l’aide des connaisseurs sur Internet est plus que précieuse !

Aussi serai-je très prudent dans la détermination des lichens de la forêt-jardin. Il me faudra d’abord les trouver, puis les identifier au mieux. Comme pour l’herbier, je fais appel à mes lecteurs : s’il se trouve parmi eux des lichénologues avertis, qu’ils aient l’amabilité de me signaler les erreurs que je ne manquerai pas de faire, afin que je les corrige !

Mouillé, ce lichen prend un vert vif qui aide à son identification

La plupart des lichens étant inséparables de leur support sans une violence que la morale réprouve, les fiches de présentation diffèreront de celles des plantes par l’utilisation d’une photo in situ. En outre, une conséquence du persistant manque de reconnaissance des lichens est que la plupart n’ont pas de nom vernaculaire. Il ne figurera donc sur l’étiquette que par exception.

3 réflexions sur “Fascinants lichens

  1. Je joins le commentaire très enrichissant laissé par Cécile Lambert le 6 février 2023 sur le groupe « Lichens de France (et d’Europe) » de Facebook :
    « Je ne peux résister au plaisir de commenter ta référence au « 3ème larron » : certes l’article de Spribille, sur les cellules de levure dans le cortex, a fait du bruit dans Landerneau, mais il y a eu d’autre travaux encore plus intéressants, qui révèlent l’existence d’associés supplémentaires dans la symbiose. Pense un peu : des cyanobactéries peuvent s’installer à côté des chlorophycées, carrément dans la couche algale de lichens considérés comme de simples chlorolichens ; toute une population de champignons, nettement différents du champignon principal, peut se développer jusqu’à l’intérieur des thalles ; des bactéries, de même famille que celles des nodules des fabacées, peuvent tapisser la surface chez certaines espèces …
    Mon préféré, c’est le très banal Ramalina farinacea : tous ses thalles, quelle que soit leur provenance géographique, sont équipés de deux espèces distintes de Trebouxia, toujours les deux mêmes, et qui ont des exigences écologiques complémentaires ! Les chercheurs supposent que c’est cette facilité environnementale qui rend l’espèce très commune … Comme quoi la banalité cache parfois de belles innovations !
    Considérant toutes ces populations associées à l’association symbiotique, certains auteurs décrivent les lichens comme des miniatures d’écosystèmes complexes. Le vrai mystère c’est que ces petites foules plus ou moins variables réussissent à former des organismes dont les caractéristiques se transmettent avec une telle fidélité qu’on peut les décrire comme de véritables espèces.
    C’était notre rubrique « Le lichen est une source de vertige philosophique » .
    Avec son autorisation.

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  2. Voici en outre les pistes bibliographiques qu’elle suggère :
    Quelques références biblio sur la complexité des lichens

    Cassano, L.M. et al., 2011 : Two Trebouxia algae with different physiological performances are ever-present in lichen thalli of Ramalina farinacea. Coexistence versus competition ?
    Environmental Microbiology 13 : 806-818

    Hawksworth, D.L. & Grube, M., 2020 : Lichens redefined as complex ecosystems
    New Phytologist 227 : 1281-1283

    Henskens, F. et al., 2012 : Cyanolichens can have both cyanobacteria and green algae in a common layer as major contributors to photosynthesis
    Annals of Botany 110 : 555-563

    Millot, M. & Mambu, L., 2019 : Champignons endolichéniques et épilichéniques : les habitants cachés des lichens
    Bull. Ass. Fr. Lichénologie 44(1) :71-76

    Sanders, W.B., 2001 : Lichens : the interface between Mycology and Plant Morphology.
    BioScience 51(12) : 1025-1035

    Spribille, T. et al., 2016 : Basidiomycete yeasts in the cortex of ascomycete macrolichens. Science 353 : 488-492

    Van Haluwyn, C., 2020 : La symbiose lichénique : un partenariat difficile à démasquer.
    Bull. Ass. Fr. Lichénologie 45(2) :145-163

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