Le petit peuple des insectes

La raréfaction des insectes, et la disparition de certains, est un sujet de préoccupation majeure dans le contexte du réchauffement climatique et des outrages que les activités humaines causent à la nature. On sait assez combien leur rôle est essentiel dans la pollinisation des fleurs et donc la production des graines et des fruits. On est moins conscient de leur rôle dans le recyclage de la matière morte, ce qui la rend à nouveau disponible pour le vivant : trop de jardiniers voient encore d’un œil suspect les larves de cétoines qui peuplent le compost, les cloportes sous les feuilles, les fourmis colonisant tous les biotopes. Ah, non, pas les cloportes, ce sont des crustacés et pas des insectes ! Les insectes ce sont trois paires de pattes et un corps segmenté en tête, thorax et abdomen…

Coléoptère de la famille des élatéridés
Syrphe ceinturé sur fleur de salsifis des prés
Opâtre des sables sur le lichen du tronc du grand chêne
Tenthrèdre verte sur sorbier
Sympétrum strié
Petit nacré

Bien sûr, comme tous les jardiniers, je me passerais des pucerons, des hannetons, des doryphores… Mais je n’interviens que dans la serre enterrée, en cas d’installation de cochenilles sur les agrumes, parce qu’en milieu fermé, l’hiver, je ne peux pas compter sur l’intervention suffisamment rapide de leurs prédateurs, oiseaux ou autres insectes. Sinon, je me force à regarder, à attendre, à me rassurer : regarder les pucerons s’installer sous la tutelle des fourmis, les cercopes sucer la sève des fruitiers, attendre que les coccinelles et les mésanges les dévorent, constater qu’après quelques semaines un équilibre se rétablit ! Des dégâts et des pertes, évidemment, mais un bénéfice certain aussi, l’absence de traitement laissant espérer des végétaux plus robustes, un milieu au total plus sain et plus résilient.

Coccinelles éliminant les pucerons d’un pommier
Voir aussi : https://foretjardinlandassou.wordpress.com/2023/05/13/il-etait-une-fois-en-aveyron/
Empis tessellatta prédatant une tipule

Alors je n’ai aucun moyen de mesurer scientifiquement les effets de mes pratiques sur le petit morceau de nature qu’est la forêt-jardin. Je ne sais pas si ce que j’observe serait confirmé à grande échelle, mais tout de même : ça vrombit, ça crisse, ça siffle, ça stridule, ça chante, ça cavale, ça saute et ça vole dans tous les coins ! Pas besoin de les chercher, où que l’on tourne le regard, on voit les insectes vivre leur vie, se nourrir, se reproduire, dévorer et se faire dévorer. Il n’y a de jour où je ne découvre de nouvelles espèces (avec bien du mal à les identifier : voir https://foretjardinlandassou.wordpress.com/2021/09/07/biodiversite/). Des fourmis, des abeilles de toutes races, des scarabées, des punaises, des papillons… Une surprise permanente, et une aubaine pour les oiseaux que j’observe de plus en plus nombreux et variés eux aussi. Depuis la fin de l’hiver, c’est à tour de rôle un festival sur le nerprun alaterne, l’églantier, l’aubépine, le nerprun purgatif, la ronce, les fruitiers…

Cétoine doré sur églantier
Couple de téléphores moines
Fourmi et balanin

Du coup, je comprends bien que tout cela se débrouille très bien sans moi, que mon abstention est ce que je peux faire de mieux. La forêt-jardin fournit le gite et le couvert. Zones herbeuses non fauchées, fleurs, arbres et arbustes variés, tas de bois, murets et herbes sèches : plus besoin de proposer hôtels à insectes ou abris de bonne conscience. Ceux que j’avais établis il y a presque dix ans finiront de se démantibuler et retourneront au sol sans être remplacés.

A l’hôtel…
…cette coccinelle a préféré le camping sauvage sur une branche de cèdre (janvier)

Peut-être qu’avec un minimum d’efforts le petit peuple des insectes pourrait retrouver vigueur et activité ? Une petite touche d’optimisme pour espérer qu’études scientifiques et tests du pare-brise ne soient de trop mauvais augure…

2 réflexions sur “Le petit peuple des insectes

  1. Bravo, c’est magnifique ce que vous êtes entrain de construire ! J’essaie, à la petite échelle de mon jardin, de sauvegarder ce petit monde devant nos yeux. C’est réconfortant de ne pas se sentir seul. Mille Merci à vous!

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