Haies

L’importance des haies pour la biodiversité ainsi que leur rôle dans l’établissement de microclimats sont bien connus.

On sait aussi, hélas, que la seconde moitié du XX° s. leur a été fatale dans trop de campagnes, à cause à la fois du remembrement et de l’exode rural : des parcelles plus vastes et redessinées, une main d’œuvre raréfiée, mécanisation et « progrès » ont permis le triomphe du barbelé, solide, vite installé, sans entretien.

On en revient, mais bien lentement. Et les haies survivantes ne sont souvent que la caricature de ce qu’elles devraient être : taillées au cordeau, certes, mais à l’épareuse qui déchiquète. En Aveyron, les agriculteurs qui les entretiennent les réduisent au minimum, ne laissant qu’un mince rideau d’1 à 1,5m de haut, le plus fin possible, dans le souci de ne pas perdre de surface utile et de faciliter le passage des engins dans les chemins.  Les services de la voirie, côté route, font de même, pour garantir la meilleure visibilité aux usagers.

Au Landassou, il ne subsistait de haie continue que sur l’un des quatre côtés, des bribes et des portions de muret sur un second.

2012 : clôture de barbelés à droite, haie maigrichonne au fond

La reconstitution d’une haie périphérique totale, amorcée il y a sept ans, est une tâche difficile : sans arrosage, les plants ont du mal à passer l’été sur un talus pierreux (talus de labour blindé aux pierres rejetées du champ). Il faut ensuite aux survivants supporter les débroussaillants généreusement appliqués par les agriculteurs voisins soucieux de « nettoyer » les barbelés mitoyens des inévitables ronces, liquidant par la même occasion semis spontanés ou jeunes pousses. Même en les plantant en retrait, sureaux, aubépines, églantiers souffrent.

La haie traditionnelle mêlait aux buissons des arbres de haut jet, fruitiers et chênes. Il reste deux poiriers en fin de vie et un grand chêne à l’entrée, qui disperse sa progéniture sur l’ensemble du terrain. Au nord, l’orientation et l’abri du muret ont permis à une jeune génération de ces chênes de s’établir. Il en pousse aussi dans la haie aussi, mais de pauvres arbres déchiquetés chaque année par l’épareuse.

2019 : frênes et chênes prospères en limite nord
2019 : greffe de Reine-Claude sur prunier sauvage dans la haie nord-est

Pour rétablir des arbres dans les haies, je plante, je greffe les semis spontanés favorables, et je taille ostensiblement ce qui dépasse du mètre en hauteur ou pourrait empiéter sur les voies de communication, pour bien faire comprendre à qui de droit qu’on ne se substitue pas à moi pour des tâches que je n’ai pas l’intention de remplir : après quelques déboires initiaux, l’Attila municipal des haies a compris le message et se contente de raser la façade sur route…. Côté route, le résultat est spectaculaire : les chênes ont en quelques années récupéré une belle hauteur. Il faudra un jour trier, éliminer ceux qui ont repoussé en crosse et seront fragiles au vent, mais l’essentiel est sauf. Côté champ, il y a encore de quoi faire… mais il a de l’espoir aussi : le voisin n’a-t-il pas planté l’an passé deux arbres dans sa haie anorexique !

2020 : greffe de poirier Comice sur poirier sauvage en clôture nord-ouest
2016 : après une expérience malheureuse, les rejets de chênes sont signalés par du rubalise à l’attention de l’ouvrier municipal
2019 : les mêmes enfin épargnés !
2020 : chênes rétablis et vieux poiriers vus de l’intérieur
Les pruniers sauvages ont aussi retrouvé de la hauteur et abritent les oiseaux
En plein développement, le châtaignier offre en début d’été une floraison prometteuse

En parallèle, je tente de compenser du côté intérieur l’épaisseur dévorée à l’extérieur par l’inextinguible appétit d’élargissement des chemins. La haie doit être fournie pour offrir les services qu’on en attend. Il faut aussi ménager entre elle et le terrain une transition douce, un étagement d’herbacées plus ou moins hautes et de buissons. C’est moins aisé qu’il y paraît, la haie s’obstinant à ne pas bien comprendre dans quelle direction on veut qu’elle pousse… Le plus simple est souvent de la doubler par de nouvelles plantations que l’on peut guider à l’envie, et qui permettent en outre de varier les essences, notamment au profit de persistantes.

Aubépine bien fournie et herbacées
Eglantiers, viornes lantanes et géranium
A l’intérieur, les néfliers échappent à toute taille
Boutures de petits fruits contre le talus sud

Les haies doivent être entretenues, ne serait-ce que pour remplir leur fonction écologique. Elles doivent être larges d’1m à 1m50 à la base, et au moins aussi hautes.

Pour assurer la sécurité, côté route, il importe qu’elles soient en retrait de la chaussée, avec le dégagement suffisant pour permettre aux véhicules de se croiser sur les routes de campagne souvent étroites. Dans l’idéal, une moindre hauteur dans les virages rentrants améliore la visibilité des usagers.

La taille des haies se pratique lors du repos végétatif. De toute façon, la loi l’interdit du 15 mars au 31 juillet (particuliers) ou au 15 août (agriculteurs) pour protéger la nidification des oiseaux. A la forêt-jardin, une intervention annuelle suffit, qui a lieu fin octobre, début novembre : il s’agit pour moi de faire ma part du travail avant le passage de l’employé municipal qui redresse à l’épareuse toutes les haies qui bordent les voies dont il a la charge. Avant restauration de la haie, il passait au ras des troncs toutes les façades extérieures, et au plus bas, au ras des piquets, le dessus.

La façade de la haie alignée à l’épareuse

Ayant réussi à obtenir que les arbres émergent de la haie, il est normal que je me charge de la taille haute, désormais fragmentée entre les troncs en segments que la machine ne pourrait traiter. Cela m’a aussi permis de rehausser notablement la haie… Je ne fais pas la façade, parce que l’expérience montre qu’en ce cas, il repasse quand même, et que rien ne l’arrête avant les troncs… J’y trouve aussi mon compte, parce que l’épareuse, dans un second passage, broie tout ce qui est tombé au sol en bord de route ; moins je manie ronces et prunelles, mieux se portent mes mains !

A l’intérieur, je taille au même moment, le plus large possible et en pente, puis j’entasse tous les déchets de taille au pied de la haie pour en épaissir la base.

L’intérieur de la haie est épaissi des déchets de taille

S’il arrive que certains végétaux meurent, je les laisse en place : il serviront de protection aux animaux et aux nouvelles plantes qui prendront le relai.

Le lierre d’une portion de la haie est mort subitement

Il faut bien sûr également élaguer les arbres qui bordent la route : je le fais en hiver, attentif à couper toute branche qui pousserait trop bas ou trop horizontale du côté de la chaussée. Les arbres (des chênes pédonculés surtout), poussent donc en hauteur et vers l’intérieur, avec un tronc dégagé jusqu’à 3 ou 4m de haut, de sorte que la vue des automobilistes n’en soit pas gênée.

Les chênes de la haie en cours de formation (2021)
Les mêmes bien formés (2024)

Et comme on n’est jamais si maitre de la situation que lorsqu’on en contrôle toutes les facettes, les haies les plus simples à gérer, qui ne demandent aucune diplomatie de voisinage, n’encourent aucune menace chimique, sont celles que l’on implante au milieu du terrain, pour délimiter un espace particulier, border un chemin, protéger un verger.

Haie d’osier délimitant un espace circulaire
Haie de petits fruits en périphérie du verger traditionnel

3 réflexions sur “Haies

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